À six semaines des élections européennes, le Président français prononce un discours aux airs de campagne. Immigration, civilisation, trop-plein de règles : de nombreux thèmes chers au Rassemblement national ont été abordés. Reste à savoir si cela permettra de relancer la liste Renaissance, à la traîne dans les sondages.
Adèle Lebrun
Sept années après son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron veut renouveler l’exercice. De l’Europe « souveraine » de la Sorbonne I, il défend cette fois l’Europe « puissance », à six semaines des élections européennes.
C’est un discours « dans la campagne, pas un discours de campagne » selon l’entourage d’Emmanuel Macron. Difficile tout de même de ne pas penser que le président vient au secours d’une liste Renaissance qui descend dans les sondages. La liste de Valérie Hayer stagne à 16 % d’intentions de vote, loin derrière le RN et ses 31 % d’intentions de vote. Et difficile de ne pas voir plusieurs mains tendues aux électeurs du RN dans ce discours.
Immigration et frontières européennes
Emmanuel Macron a consacré une partie importante de son discours à la question des frontières et de l’immigration. « Nous devons agir avec plus de fermeté en matière de retour et de remigration » a-t-il affirmé. S’il rejette le modèle britannique, qui consiste à renvoyer celles et ceux illégalement présents sur le territoire au Rwanda, il souhaite notamment « conditionner les visas », « une plus grande coopération avec les pays d’origine et de transit », faire la chasse aux passeurs.
L’Europe « puissance » est le maître mot de ce discours. Or, pour Emmanuel Macron, c’est d’abord « une Europe qui assume d’avoir des frontières et qui les protège ». S’il évoque à ce titre les menaces russe et terroristes, il s’arrête longuement sur l’immigration. « L’immigration rentre en France par d’autres frontières, elle commence aux frontières européennes » assure-t-il, plaidant pour une plus grande coopération entre pays européens à ce sujet.
La civilisation européenne menacée
Autre thème cher à l’extrême droite : les valeurs européennes, la civilisation. Emmanuel Macron souhaite s’engager dans « la bataille des imaginaires, des récits, des valeurs ». Une « attaque » contre « ce qui est la civilisation européenne » se joue maintenant, observe-t-il. Le Président français estime que « nos rêves, nos récits, sont de moins en moins européens ». Selon lui, l’Europe n’est pas assez puissante pour « produire de grands récits ».
« Mettre fin à l’Europe compliquée »
L’Europe « empêche des acteurs économiques de se projeter dans le temps long » en raison de la complexité de ses règles, assure Emmanuel Macron. Il vise les PME et TPE, auxquelles le RN consacre aussi nombre de ses discours. Il prône « plus de confiance et moins de texte » par des vagues de simplifications des règles européennes.
Il est aussi revenu sur la crise agricole qui a secoué l’Europe au début de l’année. « La colère de nos agriculteurs n’a pas été une colère contre l’Europe » mais « contre la réglementation, la complexité, les normes aberrantes, la mauvaise application du droit européen et français » a-t-il affirmé. Il a notamment plaidé pour une meilleure souveraineté européenne et une meilleure protection des prix des produits européens.
Emmanuel Macron a-t-il coupé l’herbe sous le pied de Jordan Bardella ? Ce dernier doit dévoiler son programme pour le scrutin du 9 juin quelques heures après le discours du Président français. La tête de liste du Rassemblement national avait affirmé le matin même que son « adversaire » dans cette élection européenne, c’était Emmanuel Macron.