La République démocratique du Congo a adressé ce jeudi une mise en demeure d’Apple. L’Etat congolais reproche au géant de la tech d’utiliser dans ses produits des minerais extraits de mines « exploitées illégalement ».
Par Meïssa Guèye
La République Démocratique du Condo (RDC) accuse le groupe Apple d’utiliser dans ses produits des minerais provenant de mines congolaises « exploitées illégalement », au sein desquelles « de nombreux droits humains sont violés ».
« Les minerais du sang ». C’est ainsi que les avocats William Bourdon et Robert Amsterdam désignent l’étain, le tantale et le tungstène. Ces trois minerais, désignés sous le vocable « 3T », sont les principaux métaux utilisés dans la construction d’appareils électroniques. Or d’après les avocats mandatés par Kinshasa, ils seraient « transportés hors de la RDC et notamment vers le Rwanda, où ils seraient blanchis ». Une exportation illégale des minerais congolais que Kinshasa refuse de laisser passer.
« Après leur extraction illégale, ces minerais sont importés par contrebande au Rwanda, où ils sont intégrés dans les chaînes d’approvisionnement mondiales », évoque la mise en demeure adressée à la firme américaine ce jeudi. Selon les avocats mandatés par la RDC, le Rwanda, voisin frontalier, est un « acteur central de l’exploitation illégale de minerais et notamment de l’exploitation de l’étain et du tantale en RDC ». Et ce constat n’est pas nouveau dans le pays d’Afrique centrale.
Une situation d’une « extraordinaire gravité »
La République Démocratique du Congo est le premier producteur mondial de cobalt et le premier producteur africain de cuivre. Mais les sous-sols du pays, qui regorgent de minerais, « apparaissent souvent contrôlés par des groupes armés qui contraignent, par la violence et la terreur, des civils à y travailler et à transporter ces minerais », souligne un rapport de l’ONG The Enough Project publié en 2015. « Des enfants sont également forcés à travailler dans ces mines », déplore l’organisation.
Une catastrophe humanitaire qui explique en partie la mise en demeure d’Apple. Les avocats évoquent « l’extraordinaire gravité de la situation dans l’Est de la RDC et qui est source de très graves dommages à la population locale et à l’État congolais ». A l’Est du pays, les provinces du Nord-Kivu et de Goma connaissent en effet une recrudescence de violences. La région est en partie contrôlée par des groupes armés. Des combats opposent notamment l’armée congolaise et à l’armée rwandaise et aux rebelles du groupe M23.
Le gouvernement congolais accuse le Rwanda de soutenir les tentatives rebelles de main mise sur les ressources. Selon l’enquête menée en 2022 par l’ONG Global Witness, 90% des minerais exportés par le Rwanda sont « introduits illégalement à partir de la RDC ». Kinshasa pointe également du doigt le programme Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI). Mis en place pour assurer un approvisionnement en minerais « libres de conflit » et extrait de façon responsable de la RDC, ce projet a rapidement montré ses limites. Dans son enquête, Global Witness accuse le programme de contribuer à la contrebande de minerais.
Une réponse sous trois semaines
La mise en demeure a été adressée aux deux filiales d’Apple en France. Elle s’accompagne d’une liste de questions sur les « minerais 3T utilisés dans les produits » de la firme, auxquelles il lui est demandé de répondre « sous trois semaines ». Un courrier a également été envoyé à la maison-mère du géant de la tech en Californie, qui commercialise notamment l’iPhone et les ordinateurs Mac. Les avocats mandatés par Kinshasa affirment que « toutes les options judiciaires sont maintenant sur la table ». Faute de réponse de la part d’Apple, une procédure judiciaire pourrait être enclenchée.
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Franceinfo avec AFP