Distancé dans la course aux élections européennes, Renew a pu compter sur le soutien d’Emmanuel Macron. Lors de son discours à la Sorbonne, jeudi 25 avril, le président s’est inspiré de la rhétorique du Rassemblement national, en tête des sondages, pour donner de l’allant à son parti avant le 9 juin.
« Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix ». Empreint de drame, le discours sur l’Europe d’Emmanuel Macron donné à la Sorbonne jeudi 25 avril s’est concentré sur la sécurité, le renforcement de l’armée et le durcissement des frontières. Si l’on retrouve les thématiques de son allocution de 2017, cette fois il parle aussi à l’électorat de droite.
S’adresser au parterre de l’université parisienne a permis à Emmanuel Macron de lancer son parti Renew dans la course à l’Europe sans l’annoncer officiellement. Face à la domination du Rassemblement national dans les sondages, le président droitise son discours européen. En effet, le parti d’extrême droite domine outrageusement la course aux élections européennes du 9 juin prochain. Avec plus de 32% d’intention de vote selon la dernière enquête électorale publiée par l’institut de sondage IPSOS en avril, le RN serait deux fois plus populaire que le parti macroniste Renew, limité à 16% d’intention de vote en France. L’échéance électorale et la popularité du parti rival, mené par Jordan Bardella, ont donc poussé Emmanuel Macron à durcir ses promesses. Une évolution assez logique du discours, pour le docteur en science politique à l’université Paris Panthéon-Assas, Arnaud Merciere : « la stratégie du « en même temps » qui consisterait à dire que l’on pourrait faire des mesures qui plaisent autant à la gauche, qu’à la droite n’a plus de sens ». Plus à l’abri derrière sa couverture centriste, le parti présidentiel est poussé hors de son terrain de jeu habituel.
LIRE AUSSI. Élections européennes : Ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne
S’inspirer de la forme
En 2017, Emmanuel Macron défendait l’idée d’une Europe comme terre d’asile contrôlée. Lors de son allocution de premier mandat dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, le chef de l’État déclarait : « Le défi majeur de l’Europe concerne, soit le repli sur nos frontières, soit la construction d’un espace commun des frontières, de l’asile et de l’immigration. » Sept ans après, il a loué la décision de « l’Europe qui a commencé à réaffirmer clairement l’existence de ses frontières » en référence au nouveau pacte migratoire signée par les eurodéputés le 10 avril. Le président s’est attaché à présenter la gestion de l’immigration comme plus stricte, malgré des similitudes sur le fond avec 2017. Un choix politique pour séduire l’électorat d’extrême droite attachée au contrôle des frontières.
Pour le spécialiste de la communication politique et collaborateur de la Commission européenne, Tomaz Dezelan : « L’extrême droite est brandie comme une menace, mais cela ne fonctionne plus. Les partis s’inspirent de plus en plus des extrêmes pour dramatiser les discours. » Il y a donc une volonté de dramatiser. Fini l’enthousiasme du discours de 2017 porté par des envolées comme « La troisième clé de notre souveraineté, c’est cette politique de développement, reposant sur l’éducation, la santé, l’énergie ». Les enjeux sont graves et urgents. « Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. Nous avons commencé à repenser notre géographie dans les limites de notre voisinage. » Le président s’inspire d’une rhétorique alarmiste pour toucher l’électorat d’extrême droite et de droite conservatrice.
Se distinguer sur le fond
Emmanuel Macron s’inspire sur la forme, mais il entretient ses différences idéologiques avec le Rassemblement national. Le président français et le parti Renew sont pro-européens. Quand Alexandre Loubet, directeur de campagne de Jordan Bardella pour le 9 juin, nous affirmait en décembre que la philosophie du RN est de « retrouver une souveraineté nationale, puisque l’UE nuit aux Français dans de très nombreux domaines. Le Parlement européen organise la submersion migratoire, la baisse de notre pouvoir d’achat et de notre compétitivité économique et impose une écologie punitive qui nous influence au quotidien. » Le locataire de l’Élysée, lui, met en avant une relation renforcée des Vingt-sept. Il propose une « initiative européenne de défense », de mettre à disposition la capacité de dissuasion nucléaire française pour protéger le vieux continent.
LIRE AUSSI. Européennes : Bardella contre-attaque en dévoilant son programme après le discours de Macron
La distinction avec la politique nationaliste défendue par le RN s’éclaircit sur le sujet de la défense. Pour Emmanuel Macron,« l’Europe se pense désormais comme un ensemble cohérent après l’agression russe ». La forme du discours vise les fidèles de la doctrine nationaliste pour gagner des places dans les sondages et le fond veut rassurer l’électorat historique de son parti pro-européen.
Un jeu politique et médiatique habile pour séduire l’électorat de droite sans perdre les européistes, mais qui n’échappe pas aux règlements de comptes sournois aux détours de quelques allusions. « Plus personne n’ose tellement proposer des sorties, ni de l’Europe, ni de l’euro », a taclé le président.