Occupation d’universités : pourquoi la cause palestinienne mobilise-t-elle tant les étudiants ?

L’occupation de Sciences Po Paris par ses étudiants fait parler d’elle. Mais ce n’est pas la première fois que les étudiants se mobilisent pour soutenir la cause palestinienne. Blocus, manifestations et conférences, depuis le 7 octobre les actions se multiplient dans les universités. 

Les actions de soutien à la Palestine menées par des étudiants se multiplient en France. Crédit : Jeanne Menjoulet

Sciences Po Paris, une nouvelle fois occupée. Une cinquantaine d’étudiants a de nouveau campé, la nuit de jeudi 25 avril à vendredi 26 avril, à l’intérieur du campus en soutien aux Palestiniens. La veille, les forces de l’ordre étaient intervenues pour évacuer le campus. Ce vendredi matin, des poubelles et des palissades bloquent l’entrée rue Saint-Guillaume, du campus historique de Sciences Po Paris. En cause : le dialogue tendu entre les étudiants propalestiniens et la direction qui “refuse d’entendre leurs revendications”, d’après une étudiante. 

Les revendications n’ont pas changé. Les étudiants demandent l’organisation d’une réunion avec la direction et l’ouverture d’une enquête interne sur les partenariats entre l’école et des entreprises israéliennes. Dans les universités étasuniennes, des actions similaires sont mises en place depuis plusieurs semaines. A Columbia (New York), où il existe un double diplôme avec Sciences Po, des tentes ont été installées sur l’esplanade pour dénoncer la guerre à Gaza. 

D’autres IEP mobilisés

Si les universités françaises suivent le mouvement étasunien, elles n’ont pas attendu aujourd’hui pour se mobiliser. La cause palestinienne est depuis le 7 octobre un enjeu évoqué par les étudiants. Mi mars déjà, des étudiants de Sciences Po Paris avaient occupé l’amphithéâtre principal de l’école pour protester. Deux jours plus tard, le 14 mars, un appel au rassemblement devant le campus avait été lancé, avant de se voir être interdit par la préfecture de police en raison du “contexte de fortes tensions”. 

L’Institut d’études politiques de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, s’est lui aussi mobilisé. “On voulait montrer que les enjeux liés à la Palestine dépassent les clivages et les frontières politiques. Qu’on devrait tous être choqué par ce qu’il s’y passe”, explique Julie, étudiante et présidente de Soligreen, une association qui promeut la solidarité. Pour l’étudiante en sciences politiques, il est important de faire de la cause palestinienne un sujet au sein de son campus. “Il faut se poser des questions”, résume-t-elle. 

Une réunion publique a été organisée en février par plusieurs associations de l’IEP. Réunis en assemblée générale, les étudiants ont diffusé un communiqué au sein de l’université. “En tant qu’étudiants, on a une responsabilité. C’est notre futur qui est en jeu”, assure Maïtena, militante LFI et engagée dans plusieurs associations féministes. 

Une convergence des luttes

Leur action s’est concrétisée le 21 mars par une manifestation qui a réuni 150 personnes dans le centre de Fontainebleau. Les revendications étaient multiples. Parmi elles, la demande d’un cessez-le-feu et le respect de l’intégrité territoriale palestinienne. Julie n’avait jamais milité avant ce rassemblement mais depuis, elle est restée mobilisée. “On est en train d’organiser des conférences avec des historiens et d’autres chercheurs pour parler du conflit israélo-palestinien à l’université”, certifie-t-elle. 

La manifestation avait un autre objectif, plus large, de dénoncer l’islamophobie et l’antisémitisme en France. Pour Thomas Maineult, enseignant-chercheur spécialiste de l’histoire du militantisme propalestinien à Sciences Po Paris, le mouvement attire de plus en plus de jeunes car il fait converger les luttes. Interrogé par RTS, il argumente : « cela signifie qu’ils défendent à la fois la cause palestinienne, mais également la cause des femmes, la lutte contre le racisme et contre toute forme de discrimination ». 

Le 21 mars, une manifestation en soutien à la Palestine, organisée par des étudiants, à Fontainebleau a réuni 150 personnes. Crédit : Julie L.

Une voix inaudible

Selon le spécialiste, le mouvement de jeunesse français se reconnaît dans la population palestinienne. Une population plutôt jeune, qui espère pouvoir étudier et aspire à avoir le même avenir que les jeunesses du monde entier. Pour Julie, les étudiants sont des “forces motrices dans les mouvements sociaux”. Le cadre étudiant facilite la mobilisation, “on se connaît entre nous, ça permet de rendre les enjeux plus familiers et de se motiver”, explique-t-elle. Et puis, avant tout, il faut avoir le temps. “Si j’avais trois enfants à charge, je ne suis pas sûre que je me serais mobilisée”, réfléchit-elle. 

Prochaine étape, occuper l’IEP de Fontainebleau ? Maïtena n’en est pas sûre, les précédentes tentatives de blocus de l’université avaient toutes échoué. Mais l’étudiante en sciences politiques comprend les actions menées à Sciences Po. “Je pense que ça en dit long sur l’état actuel des choses. Notre voix est si inaudible qu’il faut abandonner les formes ‘conventionnelles’ de mobilisation pour espérer être écouté. On a besoin d’actions fortes”, conclut-elle. 

Juliette Vieban

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