L’influenceur d’extrême droite Papacito a été condamné à 5000 euros d’amende, ce vendredi 26 avril, à Paris, pour injures publiques homophobes et incitation à la violence, contre le maire de Montjoi. Figure emblématique de youtubeurs masculinistes, il a réussi à s’emparer des réseaux sociaux pour diffuser son idéologie.
Elisa Feliers
Le Tribunal correctionnel de Paris a rendu sa décision. Condamné pour injures homophobes et incitation à la violence envers l’élu tarn-et-garonnais, Christian Eurgal, le youtubeur d’extrême droite Papacito devra payer 5000 euros d’amende.
À la barre, le youtubeur explique avoir volontairement utilisé « l’outrance et la provocation » pour « faire émerger médiatiquement l’affaire de Montjoi ». Faire le buzz pour faire parler et gagner en visibilité : telle est la recette de son succès et de celui de tous les youtubeurs d’extrême droite et masculinistes.
Car Papacito s’inscrit dans la même lignée que d’autres vidéastes d’extrême droite. Le Raptor, Stéphane Édouard ou encore Valek, tous ont un point commun : performer une forme de virilité sur les réseaux sociaux et en particulier sur YouTube.
Alain Soral comme figure de proue
La médiatisation de l’extrême droite a débuté avant l’émergence des réseaux sociaux, notamment via l’essayiste franco-suisse Alain Soral. Figure emblématique de l’extrême droite, il utilise ses ouvrages pour faire passer son idéologie, la diffuser dans des émissions télévisées, sans pour autant faire partie du champ politique.
Alain Soral a directement inspiré ces youtubeurs d’extrême droite à se développer hors du champ politique. Certains d’entre eux nomment ce phénomène la métapolitique, terme qu’ils reprennent au philosophe italien Antonio Gramsci. À la différence de la vieille extrême droite, ces influenceurs ne mobilisent pas d’auteurs légitimes. Ils performent leur façon de penser, « en étant dans l’outrance, l’outrage, la transgression et la désignation d’adversaires », résume Samuel Bouron, chercheur à l’Université Paris Dauphine-PSL.
Utiliser les codes des réseaux sociaux
« Il n’y a pas besoin d’avoir un bagage idéologique pour comprendre ce qu’il dit », explique Samuel Bouron. Au contraire. C’est justement parce que Papacito et sa bande utilisent les réseaux sociaux et l’humour qu’ils parviennent à capter un public beaucoup plus large que le public traditionnel de l’extrême droite.
« On passe d’une extrême droite qui s’exprime dans des feuilles de chou politiques ou dans des journaux idéologiques très marqués comme Minute, à des youtubeurs qui vont parvenir à mêler politique et divertissement », poursuit le chercheur.
Ces youtubeurs masculinistes n’ont que les réseaux sociaux pour exister. Et cela passe par la performativité de genre. « Ce qui marche le mieux sur les réseaux sociaux et sur YouTube c’est de parler de masculinité et de féminité. On n’est pas dans l’espace politique, on est dans un espace un peu à côté », indique Samuel Bouron. Les vidéos qui fonctionnent le mieux sont celles qui se moquent des féministes, et qui parviennent le mieux à incarner des figures de virilité.
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Samuel Bouron prend l’exemple de Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, mouvement d’extrême droite dissous par le gouvernement en 2021, pour illustrer son propos : « Tant qu’elle est chez eux elle va beaucoup parler du grand remplacement, de l’Islam. Dès qu’elle bascule sur les RS, progressivement elle commence à parler des relations homme-femme. »
Le sociologue décrit la fachosphère comme « une galaxie très large. Il y a un énorme écart en matière d’audience entre les plus connus et les moins connus ».
Un succès économique
Parmi ces vidéastes, tous n’ont pas les mêmes logiques économiques. Certains youtubeurs, comme le Raptor, perçoivent l’essentiel de leurs rémunérations via YouTube ou les partenariats. « Eux aussi sont dans l’outrance mais se tiennent toujours à être à la limite, pour ne pas risquer de se faire déplateformiser », analyse Samuel Bouron.
Papacito, lui, va jusqu’au bout. C’est ce qui a mené à la fermeture de sa chaine YouTube le 9 juin 2023. « C’est pas un drame les amis, pas d’inquiétude. On va s’adapter, il y a plein de plateformes. À chaque fois que je serai chassé d’une plateforme j’en trouverai une autre », a réagi Papacito dans une story Instagram à la suite de la clôture.
Ce n’est pas sa présence sur YouTube qui le fait vivre. « Sa chaine est un produit d’appel pour faire vendre ses livres, faire connaitre son magazine, la Furia, qui se vend très bien », affirme Samuel Bouron.
D’autant plus que Papacito circule au sein de la fachosphère. Il est invité sur les chaines d’autres youtubeurs. Les médias jouent également le jeu : Valeurs Actuelles a réalisé son portrait, Livre Noir publie ses entretiens. Papacito a acquis suffisamment de notoriété pour exister en dehors de sa chaine YouTube.