Blocage à Sciences Po : ces étudiants qui soutiennent le mouvement propalestinien sans y participer

Depuis mercredi, des étudiants se mobilisent à Sciences Po pour exprimer leur soutien à la Palestine et dénoncer le silence de leur institution sur la situation à Gaza. Un mouvement que d’autres soutiennent sans y participer.  

Par Meïssa Guèye

Un groupe d’étudiants de Sciences Po Paris se mobilise depuis mercredi 24 avril en soutien à la Gaza.

La mobilisation propalestinienne se poursuit, vendredi 26 avril, à Sciences Po Paris, où quelques dizaines d’étudiants continuent de bloquer l’entrée principale de l’école. La veille, les forces de l’ordre étaient intervenues pour évacuer le campement installé dans la cour intérieure du campus parisien.

Des drapeaux palestiniens accrochés aux fenêtres du 27 rue Saint-Guillaume à Paris. Au siège historique de l’Institut d’Etudes Politiques, les membres du Comité Palestine ne décolèrent pas. Pancartes « Sciences Po Complice » dans les mains pour certains, keffiehs sur la tête pour d’autres, tous dénoncent la répression à l’encontre des voix propalestiniennes par la direction du campus. Les étudiants, dont une majorité ont passé la nuit dans l’établissement, réclament entre autres l’ouverture d’une enquête interne sur les partenariats entre l’école et des entreprises israéliennes. Des revendications inchangées depuis le début de la mobilisation, mais qu’il n’est pas simple d’exprimer pour tout le monde au sein du prestigieux établissement.  

« Avec les derniers rendus et les partiels qui arrivent, il est hors de question de rater les cours », affirme Léna*. Tandis que poubelles et barrières continuent de bloquer l’accès au site où elle a cours, l’étudiante en en deuxième année se réjouit qu’une solution ait été trouvée : « Notre administration nous a trouvé une autre salle horrible pour suivre les cours coûte que coûte, et ce n’est pas plus mal ». Si elle n’est pas opposée à la mobilisation, la jeune femme de 20 ans s’inquiète néanmoins de réussir à valider son semestre. Entre les cours et son job étudiant tous les soir, Léna a du mal à trouver du temps libre. « Je les soutiens, ce qu’ils font est important. Mais je suis complètement sous l’eau, j’essaie juste de ne pas me mettre encore plus en difficulté », confie-t-elle l’air un peu gênée.

« Si je n’avais pas autant d’absences, j’irais sans hésiter »

Appartenir à la discrète majorité, c’est aussi le choix de Thomas*, qui revendique pourtant son soutien à la Palestine. « L’inaction de Sciences Po est inacceptable. Si je n’avais pas autant d’absences, j’irais les rejoindre sans hésiter, n’en déplaise à Bassères », lance le jeune homme en référence aux récentes décisions de l’administration. Un mois à peine après sa nomination en tant qu’administrateur provisoire de Sciences Po, Jean Bassères a demandé l’intervention de plusieurs dizaines de CRS au sein de l’établissement pour déloger une soixantaine d’étudiants dans la nuit de mercredi 24 à jeudi 25 avril. Thomas y voit une attaque aux libertés fondamentales : « autoriser une telle répression dans le soi-disant lieu de la liberté d’expression, c’est quand même le comble ».

Inquiet de perdre sa bourse sur critères sociaux pour cause d’absentéisme, Thomas regrette de devoir se contenter de suivre à la mobilisation à distance. Mais il ne reste pas inactif pour autant. Story, post, commentaire. Tous les moyens sont bons sur les réseaux sociaux pour faire entendre sa voix de solidarité avec la Palestine : « Il y a des gens qui savent à peine ce qu’il se passe. Alors partager des infos et donner de la visibilité au sujet, même moindre, c’est le minimum qu’on puisse faire » explique-t-il. L’enjeu est moins d’essayer de convaincre que de sensibiliser. Un combat moins bruyant que celui de ses camarades devant les portes du campus parisien, mais qui prend de l’ampleur.

Une mobilisation parallèle

Sur X, de nombreux élus de gauche félicité l’engagement des étudiants sciencepistes. « Ni les matraques, ni les insultes ne feront céder cette vague qui partout se lève. Bravo aux étudiants de #SciencesPo qui continuent d’occuper le site », écrit Thomas Portes, député LFI. Même discours pour la candidate aux élections européennes Rima Hassan : « Venez tous et toutes à @sciencespo l’heure est au soulèvement ».

Mais la situation est plus complexe pour certains étudiants, partagés entre l’envie d’agir et la crainte des répercussions sur leur vie étudiante et professionnelle. Camille*, 24 ans, a longtemps usé de stratagèmes pour se mobiliser en toute discrétion : « On y va masqués pour ne pas être reconnus, y compris par Sciences Po. Et puis sur les réseaux on floute évidemment les visages, et on partage avec des comptes créés spécialement pour ça », raconte l’étudiante en master d’urbanisme. Cette année en alternance, elle ne participe pas au blocage de son établissement, craignant d’être confrontée à des problèmes avec l’entreprise dans laquelle elle travaille.

Renouer le dialogue avec l’établissement

Malgré le dialogue tendu entre les étudiants mobilisés et l’administration de l’établissement après plusieurs semaines de tension, la direction de Sciences Po Paris a finalement annoncé, dans la soirée, un accord avec ses étudiants. Accord par lequel elle s’engage à organiser un débat interne et à suspendre les procédures disciplinaires lancées contre certains manifestants. « Compte tenu de ces décisions, les étudiants se sont engagés à ne plus perturber les cours, les examens ainsi que toutes les activités de l’institution », écrit Jean Bassères, dans un message transmis ce vendredi aux étudiants et aux professeurs.

* (les prénoms ont été modifiés)

Le Monde

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