Les enseignants-chercheurs militent aussi pour la cause palestinienne 

Des enseignants de Sciences Po Paris ont manifesté leur soutien aux étudiants qui ont organisé un blocage de l’établissement pour soutenir la Palestine. Au cœur des universités françaises, se forment des unions en soutien au peuple palestinien, composées d’étudiants mais aussi d’enseignants. Comment se mobilisent les enseignants-chercheurs ? 

À l’université Columbia à New-York (États-Unis), des étudiants pro-palestiniens ont aussi bloqué l’entrée du campus.

Vendredi 26 avril, Sciences Po Paris était bloqué par des étudiants soutenant la Palestine. Le but, militer contre « la répression des voix pro-palestiniennes sur le campus ». Malgré l’opposition de la direction, deux laboratoires de recherche de Sciences Po ont exprimé leur soutien aux étudiants selon Le Nouvel Obs : le Centre de recherches internationales (Ceri) et le Laboratoire interdisciplinaire (Médialab). 

Depuis le début de la guerre qui oppose le Hamas et Israël, plusieurs comités Palestine se sont formés dans les milieux universitaires français. Parfois, ils bénéficient du soutien d’enseignants de l’établissement qui sont eux aussi à leur échelle, engagés à défendre la cause palestinienne. 

Des enseignants militants

C’est le cas de Benjamin Ferron, sociologue et enseignant-chercheur au sein de l’université Paris-Est-Créteil (UPEC). L’enseignant a participé à la création d’un Comité Palestine au sein de l’UPEC. Il explique « prendre beaucoup de pincettes » lorsqu’il est amené à aborder le sujet auprès des étudiants. « On ne fait pas de discours politique et il n’y a pas de blocage. Mais on se rassemble pour soutenir la communauté universitaire mobilisée. »

Benjamin Ferron est l’un des enseignants-chercheurs qui tente de lever la censure du monde académique français sur la question palestinienne. Ce dernier a participé à la rédaction d’une lettre au Centre nationale de recherche scientifique (CNRS), leur demandant de prendre position sur le conflit israélo-palestinien. 

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Cette année, une Coordination universitaire contre la colonisation en Palestine (CUCCP) a été créé. Il s’agit d’un collectif composé de chercheurs, universitaires et étudiants mobilisés pour dénoncer l’occupation de la Palestine, défendre la liberté académique palestinienne mais aussi militer en faveur d’un boycott des universités israéliennes. Les enseignants-chercheurs ont tendance à se mobiliser à travers la signature et réalisation de tribunes dans des médias.

Rester vigilant

« Un enseignant qui brandi un drapeau palestinien aura plus d’impact grâce à sa position institutionnelle qu’un étudiant » dit Benjamin Ferron, qui alerte sur la vigilance que doit avoir un enseignant-chercheur qui milite pour la cause palestinienne. Le risque : « être accusé d’antisémitisme ». Accusation parfois attribuée au mouvement en faveur de la Palestine.

Benjamin Ferron fait attention à chaque terme utilisé pour aborder le sujet, bien qu’habitué à le traiter après plusieurs travaux universitaires sur le conflit israélo-palestiniens. Depuis le début de la guerre en octobre 2023, le sociologue fait le nécessaire pour se protéger. « J’ai mis 1 mois à me rendre à mon premier rassemblement » confie-t-il. Cependant, il est important selon lui de « différencier la casquette du chercheur et celle du militant ».

Hugo Melchior, historien en histoire contemporaine à l’université de Rennes et également militant pour la cause Palestinienne, a une expérience sensiblement similaire. « Je n’ai aucun problème à en parler, affirme-t-il. Cependant je fais attention à chaque mots employé, car ça peut s’enflammer très vite ». Ce dernier explique se réfugier dans la rigueur académique et les sources qui lui permettent de rester au plus près de la réalité. 

« Une immense difficulté à se mobiliser »

« J’ai été stupéfait du silence de mes collègues qui n’ont pas hésité à dénoncer l’occupation ukrainienne quelques années auparavant » exprime Benjamin Ferron, qui aimerait que la mobilisation du milieu universitaire se déroule « plus sereinement ». « On a une immense difficulté à se mobiliser. » Le problème : l’autocensure de ses collègues face à la crainte des accusations d’antisémitisme.  

Un silence qui est aussi représentatif d’une faible mobilisation en France. Hugo Melchior explique que depuis 1947 qui marque la création de l’état d’Israël, le mouvement en faveur de la Palestine est « moindre » en France comparé à d’autres pays comme les États-Unis ou des pays arabo-musulmans. 

Malgré une mobilisation étudiante qui reste « faible numériquement » et « limité à Paris », d’après Hugo Melchior, le blocage a bénéficié d’une « lumière médiatique » qui est favorable au mouvement.  

Hélène Combes, chercheuse à Sciences Po Paris a exprimé sur Facebook son « sentiment de voir émerger à l’échelle internationale une génération qui va compter peut-être autant que celle en France de la guerre d’Algérie (celle de mes parents) ou celle de la guerre du Vietnam ». Si la mobilisation tend à s’étendre au delà de la devanture de Sciences Po, et dans plusieurs universités, ce serait une première en France.