Ugo Gil Jimenez, plus connu sous le pseudonyme Papacito, est un influenceur d’extrême droite condamné à une amende de 5 000 euros pour avoir incité à la violence contre le maire de Montjoi. Portrait de l’étoile montante de la fachosphère, du point de vue de sa communauté.
Ugo Gil Jimenez, habillé en chevalier, prêt à défendre ses valeurs traditionalistes. @Editions Magus
Aurélien entend parler de Papacito pour la première fois en 2018. “Je l’ai vu dans des vidéos du Raptor dissident, un youtubeur connu pour ses clashs. Je le voyais comme un humoriste qui faisait des blagues un peu border.” Le polémiste s’est d’abord fait connaître pour ses vidéos de décryptages de l’actualité et d’insultes, mais bascule rapidement dans la production de contenu avec un message masculiniste.
Avec son franc parler et son parler agressif, le vidéaste toulousain séduit une communauté de jeunes hommes à la recherche d’un mentor. Aurélien, âgé de 16 ans à l’époque, attribue à Papacito un rôle structurant durant son adolescence, qu’il a érigé en figure paternelle : “Ma vie de famille était très compliquée, j’avais besoin de repère et Papacito était là pour me secouer les puces. C’est lui qui m’a donné envie de m’intéresser à la musculation et à l’histoire, deux passions qui continuent de me suivre aujourd’hui.”
Dans les commentaires des vidéos, il fait connaissance avec des jeunes hommes de son âge, tous en quête d’identité. Élèves à cette académie de la virilité, Aurélien et ses amis reçoivent des cours en matière de musculation, de séduction, de politique et de machisme.
Aujourd’hui étudiant en master d’histoire, Aurélien s’estime reconnaissant envers Ugo Gil Jimenez pour avoir pris sous son aile une génération de “garçons perdus à qui il a appris à être des hommes”.
Une radicalisation 2.0
Connu pour ses vidéos d’invectives, Papacito se définit comme un “cultivateur de haine professionnel”. S’il affectionne occasionnellement les discours contre le « système », qu’il considère comme corrompu et contrôlé par les élites à cause de la mondialisation et de l’Union Européenne, c’est les minorités qui constituent son fond de commerce.
Ses victimes de prédilections : les “fragiles de gauche”, les immigrés, les femmes avec un discours féministe ou en position d’autorité, les personnes racisées, la communauté LGBT+ et les musulmans. “Je sais que ça a l’air ridicule, mais je ne voyais pas les points communs entre ses victimes, avoue Dylan, ingénieur en informatique. Je me disais qu’il nous rendait service en remettant les faibles et les non méritants à leur place.”
Dylan est un ancien “patriote”, surnom des fans de Papacito. Il ne se rendait pas compte de la gravité du contenu qu’il consommait : “Au début on regarde ses vidéos pour l’humour mais ça devient rapidement non ironique. C’est de l’embrigadement en fait et je pense que j’aurais pu tomber dans des choses très sombres si je n’avais eu pas mes proches pour me raisonner.”
L’informaticien de 27 ans était pourtant fan inconditionnel du toulousain mais prend ses distances en 2022, après que l’humoriste ait été condamné pour avoir diffamé l’association SOS Homophobie. Il avait accusé cette dernière de « manipuler les enfants » et de promouvoir la « pédophilie ».
Parmi les victimes les plus célèbres de l’influenceur, on compte Anne Hidalgo, Omar Sy, La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme et les journalistes Youssef El-Gharib et Léa Salamé.
Craignez le “pourfendeur de gueux”
“Il parle de façon très particulière donc on ne sait pas si c’est juste de l’humour provoc pour divertir ou s’il le pense vraiment.” explique Dylan qui accuse Papacito de faire passer sous couvert d’humour un discours d’extrême droite.
La prose de Papacito est sa marque de fabrique et la clé de son succès sur les réseaux sociaux. L’humoriste mélange l’argot moyenâgeux au langage familier propre aux vidéos injurieuses. Dylan se rappelle avoir été immédiatement fasciné par le personnage incarné par Papacito dans ses vidéos. Utilisant l’image du chevalier pour se représenter, Ugo Gil Jimenez incarne la France chrétienne en croisade contre les minorités.
Mais en dépit de la suppression de sa chaîne YouTube en début d’année pour discours de haine et incitation à la violence, l’influenceur n’a jamais été aussi populaire. Le Toulousain vient pourtant d’être condamné le 26 avril à 5 000 euros d’amende pour injures homophobes et incitation à la violence contre le maire de Montjoi, petit village du Sud-Ouest. Cela n’a pas empêché la cagnotte qu’il a lancée pour aider son ami agriculteur, de récolter 500 000 euros en moins d’un mois.
“Impossible de savoir si c’est une vraie collecte ou si l’argent va dans les poches de Papacito mais j’ai déjà donné 200€ et je lui en redonnerai le mois prochain,” confie Aurélien. On a besoin de personnes comme lui qui disent les termes.”
Angélina Mensah